Qu’est ce qui t’a
motivé à t’inscrire au marathon des sables ?
Je suis toujours partant
pour relever des défis. A 40 ans j’avais couru mon premier 100km.
Courir le marathon des sables à 45 ans était également un truc
assez magique à faire. Mais c’est surtout la possibilité d’y
aller avec un groupe de copains qui m’a motivé. Tout seul je ne
m’y serais sans doute pas engagé car c’est une course riche en
émotions et ces émotions il faut pouvoir les partager avec
d’autres. Et malheureusement, on ne peut vraiment les partager
qu’avec des personnes qui ont vécu la même chose. Quand on rentre
et que l’on dit aux personnes que l’on rencontre que cela a été
dur, on nous dit « ah oui OK… ». La difficulté de
l’épreuve est difficile à imaginer, notamment pour l’étape
longue qui arrive après avoir déjà couru 100km les trois jours
précédents. Les conditions de vie sur le bivouac sont également
difficiles à appréhender (promiscuité, manque d’hygiène, faim,
vent, etc.).
As-tu suivi un plan
d’entraînement « sableux » ?
Je me suis entrainé le
week-end le long du GR 34 sur la côte Nord, entre Plouguerneau et
Brignogan
et donc j’ai pu tester les belles plages de la région
(même si j’allais plus souvent sur le sable mouillé plutôt que
sur le sable sec ;-)). Cela m’a sans doute servi, notamment
pour rechercher les bons appuis dans des traces de pas préexistantes.
Certains sur la course
ont fait le choix d’utiliser des bâtons de marche lors de
l’épreuve, ce qui n’a pas été mon cas car je ne sais pas m’en
servir. Si on prend cette option, il faut s’entrainer longtemps
avant avec pour s’y habituer. Sinon on risque de faire jouer
pendant l’épreuve des groupes de muscles différents de ceux que
l’on a l’habitude d’utiliser en course à pied (notamment les
muscles du haut du corps). J’ai vu peu de coureurs dans le TOP 200
utiliser des bâtons.
Il ne faut pas non plus
oublier de faire un peu de musculation du haut du corps car une des
difficultés de l’épreuve est le port du sac à dos (9kg au départ
+ 1,5 litre, voire 3 litres d’eau que l’on nous rajoute à chaque
point de contrôle, placé environ tous les 10km…). Même s’il
s’allège au fil du temps (car on mange la nourriture que l’on
porte) notre état de fatigue augmente et l’on ressent peu la
sensation de légèreté du sac, sauf peut-être le dernier jour pour
l’épreuve marathon de 42Km.
Tu m’as parlé des difficultés à faire ton sac (pour rappel cette course ce fait en autosuffisance alimentaire), qu’est-ce que tu avais mis dedans ?
C’est l’un des points
compliqué et important sur cette course : il faut trouver un
compromis entre confort et légèreté du sac. Le poids du sac à dos
des concurrents varie entre 6,5kg (pour les élites - c’est le
minimum autorisé par le règlement) et 11kg, la moyenne se situant
vers les 8,5 – 9 kg.
Pour un sac moyen de 8,5
kg, il faut compter environ 4kg de nourriture pour la semaine et
4,5kg de vêtements et de matériels (y compris le poids du sac à
dos…).
La nourriture est
composée quasi exclusivement de produits lyophilisés. Certains
plats sont très bons mais la répétition de ce type de nourriture
devient assez vite écœurante, surtout que la plupart du temps on
les mange froid car on a la flemme (ou alors il y a trop de vent) de
faire du feu. Vu que c’était ma première édition, je suis parti
avec un pack spécialement conçu pour cette épreuve (pack El
Morabity du nom du multiple vainqueur de cette épreuve). Ce pack,
même s’il sert de bonne base de départ, a surtout été conçu
par des hommes de marketing qui se sont associé avec plusieurs
marques. Certains desserts sont inutiles (porridge (Berk !!) et
compote de pomme (bonjour les problèmes gastriques…)) mais
d’autres font plaisir (crème vanille et mousse au chocolat). Avec
du recul j’aurai du prendre plus de bœuf séché ou du saucisson.
Le taboulé passe très bien et sur ce type d’épreuve pour
laquelle il faut surtout privilégier de la nourriture salée car on
arrive très vite à se dégouter du sucré (privilégier les barres
salées aux barres sucrées).
Lorsque j’ai discuté
avec Nathalie Mauclair (LE 1er français cette année sur
l’épreuve et qui a finie à la 13ième place au
scratch), elle m’a dit qu’elle prenait aussi du saucisson et pas
mal de graines et de noix, dont des noix de Macadamia (734 kcal pour
100g, soit plus d’1/3 des apports journaliers !!).
Au niveau matériel,
outre le matériel obligatoire de sécurité imposé par
l’organisation (Boussole, Road Book, couteau, briquet, balise GPS
etc.), il faut penser à tout ce dont on a besoin sur une semaine
(dont le papier toilette !!). En général on prend une tenue
pour le bivouac après la course (short + T-shirt + Tong), une
combinaison de peintre (Tyvek) au cas où il fasse froid et qui peut
servir la nuit lorsque l’on court l’épreuve longue, un t-shirt à
manche longue et surtout un bon duvet (mais qui doit rester très
léger) car les nuits sont froides dans le désert (5 à 10° en
général et des années cela peut atteindre les 0°C). Si on a
froid, on aura du mal à récupérer. Le gros dilemme des coureurs
concerne souvent le matelas (gonflable ou en mousse) : chacun
juge du confort qu’il peut avoir besoin. Pour ma part je suis parti
avec un matelas en mousse que j’ai coupé quasiment à la moitié
pour qu’il ne soutienne que le haut du corps.
A cela il faut rajouter
une gamelle, un réchaud, de l’ESBIT pour faire le feu, des
produits d’hygiène (brosse à dent coupée, lingettes de toilette
imprégnées…), et une petite trousse à pharmacie (Doliprane,
Smecta, Eosine, Bétadine, Sérum physiologique, pansements (pas de
Compeed car lorsque qu’on les enlève la peau vient avec !!!)…).
Nous sommes très bien suivi par l’équipe médicale et il y a une
clinique sur le camp donc il ne sert à rien de prendre trop de
produits pharmaceutiques. L’organisation peut aussi nous fournir
des produits de premiers soins si on veut se soigner nous-même.
Et ensuite, panique, il
faut faire rentrer tout cela dans un sac de 20 litres… Impossible.
Il faut reconditionner toute la nourriture dans des sacs congélations
ou sous vide pour gagner en poids et en volume. Après il faut bien
organiser le sac (j’ai pris le sac WAA du Marathon des sables qui
est très bien conçu. Il y a l’équivalent chez Raidlight qui est
utilisé par de nombreux coureurs aussi). Si on le tasse bien (on
espère que la fermeture éclair ne va pas nous lâcher la veille du
départ), tout fini par rentrer.
Au final tous les trucs
que l’on pensait peut-être prendre en plus sont très rapidement
laissés de côté par manque de place...
Quelles ont été les
conditions météorologiques ?
Après il ne faut pas
s’attendre à ce qu’il fasse frais dans le désert. Mais comme
c’est une chaleur sèche, elle est supportable même pour les
bretons.
Qu’as-tu trouvé le
plus difficiles à gérer ?
Les épreuves en
elles-mêmes sont des vrais moments de bonheur. On est venu pour cela
et les paysages sont magnifiques, même si cela reste très dur
notamment dans la répétition des épreuves. Globalement, on produit
peu d’acide lactique sur l’épreuve et donc les jambes ne sont
pas trop lourdes le lendemain et on peut repartir assez facilement.
Ce qu’il faut vraiment gérer ce sont les pieds : il faut bien
les préparer avant l’épreuve (du Randopatt pour les tanner et de
la Nok pour les hydrater) et les soigner tout de suite dès le
moindre pépin (même s’il faut faire deux heures de queue à la
clinique). Deux copains de mon équipe ont laissé une crevasse se
détériorer sous le pied et résultat, on a dû leur enlever
une bonne partie de la peau sous le pied et c’est donc
beaucoup plus difficile de courir ensuite…
biscotte pour pouvoir croquer dans quelque
chose) et les toilettes qui sont plus que sommaires (on nous donne un
sac biodégradable pour faire nos besoins dedans) et il y a 20
personnes qui attende que vous ayez fini car il n’y a pas assez de
toilettes sur le camp. C’est le seul point négatif que je mettrais
sur l’organisation de cette épreuve, tout le reste étant super
bien rodé avec des bénévoles ultra-souriants.
Peux-tu nous décrire
une journée type ?
Comme on se couche vers
20H à la nuit tombante, le lever se fait vers 6h du matin.
Préparation du petit déjeuner, léger brin de toilette et
préparation du sac pour la course qui va arriver. On fait tout cela
pendant que notre tente est démontée par une horde de berbères qui
doivent remonter le camp pour l’arrivée des premiers concurrents
suite à l’épreuve du jour. Puis on se dirige vers la ligne de
départ vers 8h30, discours de Patrick Bauer l’organisateur qui
nous indique le nombre d’abandons de la veille, le classement, fête
les différents anniversaires du jour et lance le décompte de
l’épreuve sur la musique du célèbre « Highway to Hell »
d’ACDC. Le départ est donné et on court, on court, on marche, on
boit, on avale des pastilles de sel (2 par litre d’eau car on perd
beaucoup de sel) on fait quelques vidéos car les paysages sont trop
beaux, on marche, on court, on souffle puis on arrive, content, très
content même, et on franchit la ligne d’arrivée avec le sourire.
La suite de la journée
est différente en fonction de l’heure d’arrivée. En général,
comme j’arrivais en début d’après-midi, je prends une collation
de suite après l’épreuve (taboulé, soupe Miso et bœuf séché),
je vais faire un tour à la clinique pour soigner les ampoules (et
essayer de se laver un peu les pieds par la même occasion) puis je
me repose en attendant mes compagnons de tente. Si j’ai le courage
je vais les voir sur la ligne d’arrivée (le problème c’est
qu’on ne sait pas du tout à quelle heure ils vont arriver) ou
alors je vais faire la queue pour envoyer un mail (un seul autorisé
par jour et par personne). L’après-midi est rythmée par l’arrivée
des différents concurrents et on se raconte nos diverses péripéties.
Puis vient rapidement l’heure du repas du soir : on coupe une
bouteille en deux, on verse le contenu du sachet avec un peu d’eau
froide et on attend que cela gonfle tout seul. Le soleil se couche et
comme on est bien crevé et qu’il n’y a pas beaucoup d’animations
prévues sur le camp on se couche vers 20H.
C’était la fête au
bivouac en rentrant de l’étape où une soupe et au lit ?
C’était uniquement
soupe et au lit ;-))
Lors de la 4ième
étape longue de plus de 80 km, tu as mis environ 14 h, comment on
arrive à courir aussi longtemps ?
Je pense que l’homme
est fait pour courir longtemps. Il est d’ailleurs plus fait pour
courir longtemps que pour courir vite. 14H ce n’est rien comparé à
la plupart des concurrents dont certains ont mis 35H (à la limite de
la barrière horaire) pour parcourir cette étape !! Avec un sac
à dos de 10kg sur le dos !!! Je leur tire mon chapeau.
Pour cette étape longue,
j’ai adopté la stratégie suivante : courir les deux
premières heures où le soleil ne tapait pas trop encore, puis ne
faire que marcher par la suite (le parcours s’y prêtait d’ailleurs
bien puisqu’on a eu beaucoup, beaucoup de sable mou sur cette
épreuve) jusqu’au coucher du soleil et ensuite je n’ai fait que
courir la nuit.
J’ai peut-être perdu
un peu de temps l’après-midi mais qu’est-ce que c’était bon
de remonter tous les autres concurrents la nuit, un par un. L’arrivée
a été magique et émouvante car on sait là qu’on a fait le plus
dur et que le lendemain j’aurai une journée de repos complète (le
temps
que les autres concurrents arrivent) et qu’ensuite il ne
restera qu’un petit marathon à courir (ma distance préférée)
avant d’être finisher.
Lors de la dernière
étape de 42 km, après déjà 200 kilomètres dans les jambes, tu
prends la 63ième places. Cela prouve que tu as très bien gérer la
distance, pas de regrets qu’il n’y ait pas une septième étape ?
Si peut-être. Mais je
préfère tout de même finir sur cette très belle note. Après
c’est compliqué de savoir comment on peut appréhender et gérer
une course par étape comme celle-là.
Ce marathon a, pour moi,
été magique car à la veille de cette course j’étais classé
151ième. Pour cette dernière épreuve, Les 150 premiers
partent une heure plus tard et remontent tout le monde (ils se font
ainsi encourager tout au long du parcours). Par contre ils partent
alors qu’il fait un peu plus chaud…
C’est la seule étape
où je me suis fixé un objectif de place : étant 151ième
avant la dernière étape, je voulais terminer le marathon des
sables dans le TOP 200. Il fallait donc que je sois dans les 50
premiers de la course des plus nuls (celle qui est partie une heure
plus tôt). Je me suis donc placé en tête de la ligne de départ et
j’ai couru tout ce marathon en tête de course. C’était grisant.
Par contre on s’est un peu perdu dans les grosses dunes à un
moment et on se faisait tous des signes en haut des dunes pour voir
si quelqu’un repérait une marque du parcours. Puis on a retrouvé
notre chemin et j’ai attaqué. Au dernier point de contrôle
j’étais dans les cinq premiers du groupe des plus faibles, les
élites ne nous ayant pas encore dépassés. Puis j’ai remonté un,
deux, trois concurrents car je voulais faire un podium de la course
des plus nuls (même s’il n’existe pas ;-).
C’est seulement dans la
dernière longue ligne droite avant l’arrivée que les premiers
élites nous ont dépassés. L’arrivée est pleine d’émotion et
Patrick Bauer remet personnellement la médaille à chaque
concurrent. On est heureux, on verse une (ou plusieurs) petite(s)
larme(s). Tous les journalistes étaient autour du Vainqueur (Rachid
El Morabity) mais j’ai quand même réussi à faire des photos avec
lui et son frère (2nd de l’épreuve). En plus d’être
de grands champions – tout comme Nathalie Mauclair – ce sont des
personnes très gentils et accessibles qui prennent le temps de
discuter et de faire des photos avec vous (c’est la magie de course
à pied de pouvoir côtoyer de grands champions) – ce qui n’est
pas le cas dans la plupart des autres sports.
Au final, j’ai bien
terminé 3ième de la course des plus nuls (ceux qui sont
partis avant) et 1er français à récupérer mes
bouteilles d’eau à l’arrivée (il faut toujours être premier
quelque-part ;-) et 63ième au scratch sur ce
marathon ;-))
Au final tu te classes
135ième, as-tu conscience de l’exploit que tu as réalisé ?
Si on m’avait dit cela
au départ, j’aurais signé tout de suite. Vu mon petit niveau,
c’est effectivement une très belle place.
As-tu fait des
rencontres qui t’ont marquées ?
Oui, celle du dentiste de
l’équipe médicale du marathon des sables. J’étais dans un coin
de la grande tente clinique, allongé sur le dos, les pieds reposant
sur un tabouret pour me les faire soigner, et à côté de moi il y
avait ce docteur. Il y avait plusieurs personnes des villages voisins
qui faisaient la queue pour le voir. Je pensais au départ que
c’était pour une simple consultation mais en fait, il leur
arrachait les dents : ils buvaient un coup de d’eau mélangé
à de la Bétadine et hop, une dent en moins (gloups…). Mais ils
repartent super content avec une ou plusieurs dents en moins.
En fait ce dentiste était
coureur il y a encore 4 ans et est devenu bénévole sur la course en
tant que dentiste. Le bruit a vite couru dans les villages alentours
qu’il y avait un arracheur de dents sur le marathon des sables et
dorénavant ils attendent la venue de cet évènement pour se faire
arracher les dents. C’est bien dans l’esprit de cette course que
d’aider les populations locales.
Je pense que ce sont mes
21 derniers kilomètres de l’étape longue (87km) : j’étais
en forme car je m’étais économisé l’après-midi lorsqu’il
faisait très chaud. Il faisait nuit, frais et j’ai couru comme un
dératé (du type Forest Gump) et j’ai remonté ainsi un à un de
très nombreux concurrents. En voyant l’arche d’arrivée, je
savais que je pourrai être finisher du MDS car il ne restait ensuite
qu’une dernière étape et je n’avais pas de gros soucis
physiques. Ce fût un intense moment de bonheur mêlé à une grande
fatigue et donc un moment inoubliable et très émouvant. Ce sera mon
plus beau souvenir.
Les photos du MDS ici
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